Samedi 21 mai
Nous sommes passés en Allemagne. Toujours pas de frontière visible. Seuls quelques changements subtils dans le décor, la configuration des routes, et bien sûr la langue, nous disent que nous avons changé de pays.
Les maisons sont toujours de brique rose ou ocre, les fermes sont toujours aussi énormes et opulentes, les berlines allemandes sont toujours... allemandes !
Pour ce qui est du vélo, le changement est plus visible. Les cyclistes ont toujours leur place dans la circulation mais ce n'est plus la parfaite symbiose hollandaise. Le réseau est moins sophistiqué, les pistes sont parfois en très mauvais état, les franchissements plus souvent à la française (c'est à dire : débrouillez-vous !) mais les conducteurs sont tout aussi attentifs et c'est l'essentiel.
Train-train quotidien (22/5)
Nous avons de l'avance sur notre feuille de route. Nous préférons la garder pour passer plus de temps dans le Schleswig-Holstein ou à Zylt. Et il faut aussi garder un peu de mou en cas de panne, qu'elle soit du fait de l'animal ou de la machine...
Alors on décide de ” tracer ” (tout est relatif), au moins jusqu’à Bremerhaven. C'est d'autant plus agréable que le vent continue de nous pousser dans le dos et que le terrain est toujours aussi plat, à part les digues qu'il faut franchir de temps en temps. C'est presque trop facile...
Le matin on démarre tranquille et on met le régulateur. Les jambes travaillent, l'esprit divague ou réfléchit. Lorsque je m'arrête pour attendre Béatrice, je note des idées sur mon téléphone, puis je m'allonge sur le siège les 2 pieds bien à plat, en gardant juste l'influx nerveux nécessaire pour ne pas tomber. La voilà qui arrive, elle sonne pour me réveiller... Il faut déjà repartir.
Lorsque la piste est faite de plaques de ciment disjointes, le poum-poum des pneus me rappelle les départs en colonie de vacances : la gare de Lyon, le train de nuit, les voitures-couchettes vert camouflage (déjà vieilles à l'époque), et le tac-à-tac régulier des roues sur les rails non soudés. Pour un peu je m'endormirais...
Elbe à rebours (23/5)
En préparant le voyage, j'avais repéré une traversée de l'estuaire de l'Elbe en ferry, de Cuxhaven à Brunsbüttel, 45 km en amont. La perspective d'un bon moment de repos, bercés par le lent balancement du bateau, bien au chaud avec un café-apfelstrudel...
Manque de chance, la liaison n'existe plus. Comme quoi Google n'est pas toujours fiable. C'est raté.
Il faut dire qu'en arrivant à Cuxhaven, nous ne trouvions aucune indication pour aller au terminal du ferry. J'ai fini par le trouver après pas mal de détours... transformé en musée !
Après quelques explications et recoupements laborieux, nous finissons par comprendre. Pour traverser l'Elbe, le premier ferry (Wischhafen) est à ... 60 km en amont.
Gloup. Pas le choix. Ne restons pas là ça ne servirait à rien.
Petit picnic dans un square, le temps d'avaler la pilule, et nous nous remettons en route.
L'itinéraire vers Wischhafen passe par les hautes digues qui maintiennent l'Elbe dans son lit. Pas mal, en fait. Très calme. Immense. De temps en temps les gros porte-containers qui vont à Hambourg poussent des clapots jusqu'en bas de la digue. Et toujours ce petit vent amical, bien dans l'axe...
Le soir, pour se consoler, nous décidons de nous offrir une étape grand confort à Freiburg, quelques kilomètres avant le ferry de Wischhafen. Un seul hôtel à Freiburg, et c'est une halte pour cyclistes ! (apparemment, le parcours le long de l'Elbe est un itinéraire connu).
Vrai lit, douche confortable, bonne bière et bon repas traditionnel dans cette ancienne ferme transformée et impeccablement tenue, avec la promesse d'un bon früstück (petit déjeuner) à l'allemande...
La patronne a pris le temps de nous expliquer toute la carte du restaurant en anglais... et tout le personnel est à son image : souriant, accommodant, avec l'envie de faire toujours mieux. Et le petit gamin de la famille qui fait sa vie à son aise dans les jambes des clients, si naturel... Trop beau !
Finalement cette déconvenue aura eu de bons côtés.
C'est fou comme tout finit toujours par s'arranger... Je crois bien que nous avons un ange gardien ! Peut-être Séraphine ? Les Séraphins sont très haut placés dans la hiérarchie céleste. Ça sert d'avoir des relations !
Et puis Séraphine ange gardien, ca sonne bien aussi. Et puis il y a le petit clin d'oeil à Mimie Mathy !
Plan B suite (24/5)
Il s'agit maintenant de rattraper notre route plus au nord.
Je dessine donc rapidement une trace qui rejoint Sankt Michaelissonn, l'endroit initialement prévu pour hier soir.
Nous redescendons le fleuve sur sa rive droite. Chance, - encore ! - le vent a bien voulu tourner un peu et ne nous a pas trop gênés.
Après 20 kilomètres, changement de cap. Nous quittons l'Elbe et faisons route vers le nord-ouest. Nous voilà bientôt arrivés, et il n'est pas tard.
Roulons encore un peu. On fera le point demain...
Nous nous posons à Büssum, de retour sur la mer du nord. Grand camping de bord de mer, aéré, propre et pas si cher. L'exact opposé de ce qu'on trouverait en France en pareil endroit. L'employé, très au fait des besoins des cyclistes, nous choisit un endroit avec une TABLE ! Le bonheur.
Morale de cette histoire : Quand on a du temps tout s'arrange.
Planifier n'est pas abdiquer
Dans un précédent article, je vous parlais de nos vies soumises aux impératifs des agendas et des plannings. Et pourtant j'ai planifié ce voyage avec précision...
Contradiction ? Difficultés à se désintoxiquer ? J'y ai réfléchi... (C'est ce que je fais pendant que je pédale)
Au bout de presque un mois de voyage, je vois que nous ne suivons que très approximativement la trace dessinée à l'avance : nous divaguons, nous prenons des chemins de traverse, ou au contraire nous coupons tout droit, au gré de nos envies.
Et pourtant cette immense trace faite à l'avance dans ses moindres détails est - justement - ce qui nous permet de garder notre liberté et notre sérénité. C'est la colonne vertébrale du voyage et c'était une façon de s'y projeter. J'y ai mis quelques jalons, qui nous aident à vérifier qu'on reste dans le bon rythme. Et entre ces grands jalons, tout reste possible. On se projette au jour le jour, pas plus loin qu'il ne faut. Cela évite tout stress inutile.
Ce plan général est notre point d'appui, pas notre maître.
J'en viens pratiquement à refaire chaque soir l'itinéraire du lendemain, et même à le changer en cours de journée, puisque c'est souvent vers 16h que nous décidons du point de chute du soir.
Pour ceux que cela intéresse, j'utilise l'application OsmAnd pour faire toutes ces mini-traces journalières. Pas très intuitif mais efficace. Ensuite, il n'y a plus qu'à charger la trace sur le Garmin et se laisser conduire... ou changer encore si le coeur nous en dit.
Je trouve cette façon de faire très reposante.
Fête à l'escargot (25/5)
Fini le temps sec et le vent dans le dos. Nous avançons maintenant " au près serré ", en louvoyant dans la campagne et entre les grains.
Petite étape aujourd'hui. Nous voulons flâner dans la petite ville d'Hüsum, une des seules cités d'importance sur ce côté-ci de la Frise.
Pile comme nous arrivons, un grain s'annonce... Juste le temps de rentrer dans un café-bäckerei. Encore merci Séraphine.
La nuit prochaine s'annonce pluvio-venteuse et notre emplacement en bord de mer n'est guère protégé. L'occasion de vérifier si notre bonne vieille toile de tente tient encore la marée... Dans le cas contraire il faudrait en changer en route. Pas top. Je l'aime bien, moi, notre petite maison si fidèle !
Conclusion : elle tient. Un peu d'humidité sur le tapis de sol. Rien de grave.
Tempête annoncée (26/5)
Ce matin le temps se tient, la dégradation est prévue pour l'après-midi.
Le vent de nord-ouest se renforce. Nous décidons de l'affronter quand même, en passant par la digue qui ferme la lagune de Nordstrand. Le soleil, qui joue à cache-cache, ne parvient plus à nous réchauffer. Nous rejoignons l'abri relatif de la campagne.
Notre étape d'aujourd'hui sera courte mais épuisante, du moins en ce qui me concerne. Impossible de se réchauffer. Je sens mon énergie qui baisse.
Nous arrivons au camping Karlsmark. Encore un joli petit endroit bien sympathique. Il y a une grande cuisine commune, avec tout ce dont on pourrait avoir besoin. C'est une vraie mini-superette. On se sert et on met les sous dans la tirelire.
Le repos s'impose
Je suis épuisé. Un gros coup de fatigue comme j'en connais de temps en temps depuis mon opération.
Nous allons rester à Karlsmark 3 jours.
Nous réfléchissons stratégiquement sur la position et l'orientation de la tente, car une tempête est annoncée.
Aujourd'hui, c'est sieste en continu sous la tente... Le temps de se refaire.
Le vent souffle, les grains s'enchaînent et fouettent la toile. De temps en temps le soleil perce et la température grimpe instantanément. Dessous, c'est calme. On est bien. Petit bonheur...
Le p'tit topo
- samedi 21 mai - 101 km - Siddeburen - Collstede
- dimanche - 22 mai - 65 km - Collstede - Bremerhaven
- lundi 23 mai - 92 km - Bremerhaven - Cuxhaven - Freiburg
- mardi 24 mai - 74 km - Freiburg - Büssum
- mercredi 25 mai - 55 km - Büssum - Hüsum
- jeudi 26 mai 49 km - Hüsum - Leck
- vendredi 27 mai - 4 km - Repos à Leck
Coucou les amis... on pense bien à vous nous sommes en Espagne avec la famille Louineau pour la 1ere manche de la coupe du monde à laquelle participent Emma et Titouan...
RépondreSupprimerDe gros bsx de nous tous...
Les Corre et les Louineau
Bravo pour l'exploit physique et pour les commentaires toujours extrêmement bien inspirés!
RépondreSupprimerC'est la 1ère fois que je vous rejoins dans ce nouveau périple mais je vais rattraper mon retard.
Pour nous la vie s'écoule tranquillement. On n'a plus 20 ans mais la vie nous offre de beaux et bons moments qu'on pourra toujours partager avec vous. On vous embrasse.