Retour au pays.
Mardi 6/9
Nous dormons à l'hôtel, à Thionville.
Ce matin, au petit déjeuner, la télé est allumée. BFM-TV évidemment...
Bruno Lemaire, notre ministre de l'économie est interviewé. Comme tout professionnel de la politique, il ne répond pas aux questions mais déroule ses " éléments de langage ". Le journaliste s'en fiche. Il est payé pour servir la soupe à ses invités, pas pour faire le malin.
M. Lemaire est un homme sérieux et crédible. Il parle très sérieusement de sobriété... Quoi ? Ai-je bien entendu ? Le mot sobriété dans la tête d'un libéral techno-solutionniste ? Aurait-il viré sa cuti ? Avalé une couleuvre ?
Hélas, que nenni : Il s'empresse d'ajouter : " Bien entendu, en même temps, nous allons prolonger nos centrales nucléaires et en construire d'autres, c'est nécessaire pour l'indépendance énergétique de la France ! ".
... Bien entendu : l'expression qui interdit toute remise en cause, du moins avec des journalistes dociles. Jacques Chirac commençait ses phrases par : naturellement. C'est le même principe.
... En même temps : le mantra du macronisme. Définition : Dire tout et son contraire. Ne pas choisir.
Coluche, lui, disait : " Les journalistes ne croient pas aux mensonges des hommes politiques, mais ils les répètent : c'est pire ! ". Ça n'a pas vieilli.
Dormez tranquilles braves gens ! Et surtout achetez des voitures électriques. C'est nécessaire pour l'indépendance énergétique de la France. Bien entendu ?
Et où est-ce qu'on se procure l'uranium de nos centrales, déjà ? Et les métaux rares pour les batteries ?
L'énergie la moins polluante, c'est celle qu'on ne consomme pas.
Commençons par le début : changer nos comportements et financer résolument la fin des énergies fossiles. Choisir enfin ! Après, et après seulement, on verra si des centrales nucléaires sont encore nécessaires. Faire en même temps tout et son contraire, c'est tout faire en mode petits bras. La certitude de n'arriver à rien.
Au Danemark, nous avons vu des parcs d'éoliennes off-shore. A la jumelle, j'ai compté plus de 130 mâts pour un seul parc. Le Danemark est un petit pays de 5 millions d'habitants. Pour faire ça, ils ont su trouver des capitaux et prendre des décisions. Nous sommes 68 millions, nous avons 3000 km de côtes...
Si vous pensez comme Marine Le Pen qu'il faut démonter les éoliennes parce que c'est moche et nuisible, demandez-vous où nous en serions si les rois de France au 12ème siècle avaient interdits les moulins à vent.
Dans la gare de Thionville, je regarde les magazines : " Faut-il interdire les piscines privées ? Les jets privés ? Les courts trajets en avion ? " A chaque fois la conclusion arrive, discrètement, comme une évidence : " ça ne servirait à rien, ça ne représente QUE 0,01% des émissions de CO2. "
Dormez tranquilles braves gens, chauffez vos piscines et partez en week-end low-cost : c'est bon pour l'économie.
C'est peut-être vrai que nos petits gestes individuels, même mis bout à bout, ne représentent pas grand chose : même le brave petit colibri a ses limites. Mais chacun doit être exemplaire à son niveau, selon ses possibilités. Et j'irai plus loin : plus on est visible, puissant, riche ou médiatisé, plus on doit être exemplaire... Même pour quelques %.
Dans le journal Libération, l'éditorialiste Thomas Legrand le dit autrement et bien mieux que moi. Il parle de morale conséquentialiste dans cet article.
Que dit-il ? Que les changements auxquels nous devons faire face réclament certes une action publique puissante et décisive, mais aussi un profond changement de nos comportements. Et plutôt que de dicter des normes, il suggère que chacun agisse en considérant les conséquences de ses actes : Nous sommes informés. Nous savons ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire. Faire du jet ski, rouler en ville en 4x4, partir en avion pour un weekend, par exemple, c'est immoral. On pourrait allonger la liste. À chacun de faire la sienne.
Pour finir, je le cite : " Le coup des 0,01% de bilan carbone pour dédouaner l'utilisation à tout va des jets privés revient à dire à tous ceux qui se préoccupent de leur bilan carbone [...] que leurs efforts sont dérisoires. "
Luxe en bourg...
" Sans transition ", comme on dit au journal de 20h...
Nous avons peut-être trouvé la formule idéale pour visiter une grande ville lorsqu'on voyage à vélo : poser nos roues quelque part et utiliser les transports en commun.
Aujourd'hui Rouletabille et Séraphine vont donc rester bien tranquilles à Thionville, dans l'arrière cour de l'hôtel. Nous allons en train visiter Luxembourg-ville. De plus, les transports en commun sont gratuits dans tout le Grand Duché.
Il y a beaucoup de frontaliers qui font la navette entre Thionville et Luxembourg. Mon petit cousin Emmanuel en fait partie. Nous le retrouverons ce soir à l'heure de la sortie des bureaux.
En attendant, nous flânons dans les rues. Beaux monuments, palais, ministères, rues commerçantes, magasins de luxe, boutique de design, grosses berlines allemandes... Ça sent la tune ! Et aussi la misère dans les rues, comme souvent dans les villes riches.
Luxembourg n'est pas seulement la clinquante capitale d'un duché. C'est aussi une ville à la géologie étonnante : littéralement séparée en 2 par la rivière Petrusse, qui forme une douve naturelle, ceinturant presqu’entierement la ville haute. Un long ruban de verdure et de tranquilité au beau milieu d'une ville pressée...
Au fond de l'étroite vallée, beaucoup de joggers. C'est la pause de midi. Les hautes falaises nous protègent du soleil. Nous marchons à l'ombre, un peu ramollis par la chaleur et les bonnes étapes des jours précédents. Nous trouvons par hasard un ascenseur creusé dans la roche pour remonter dans la ville haute. Chance...
Nous assistons à la relève de la garde devant le palais du Grand Duc. Un petit pays qui veut faire comme les grands...
Devant le ministère de l'économie, deux énormes limousines BMW comme on n'en voit jamais... énormes peut-être, mais hybrides ! Il s'agit de montrer l'exemple !
Début d'après-midi, il fait chaud, pas envie de visiter des musées...
Nous dénichons une petite placette recouverte de sable. Sur le sable, mi-ombre mi-soleil, des chaises longues éparpillées. Une plage sans la mer, en quelque sorte. Nous y passerons l'après-midi. Une sieste géante dans une ville où tout le monde s'affaire... ça vaut tous les musées ! C'est un spectacle permanent. Et gratuit.
Quel plaisir de regarder les gens pressés quand on ne fait rien : le consultant en costume avec sa veste trop courte, le 4x4 qui fait 3 fois le tour de la place pour se garer (sans succès, d'ailleurs), les étudiantes polyglottes un peu snob, qui bavardent en plusieurs langues... Nous regardons un monde qui n'est plus vraiment le nôtre. Pas gentil, mais jouissif !
17h30. Nous retrouvons Emmanuel mon petit cousin à la sortie de son travail. Il nous fait découvrir d'autres coins de la ville, où nous ne serions pas allés de nous-mêmes : une passerelle qui surplombe la vallée, l'ascenseur panoramique de Pfaffenthal, un petit village préservé tout en bas, le long de la rivière, le funiculaire automatique qui remonte de l'autre côté de la vallée, le quartier d'affaire...
Le tramway (gratuit) nous ramène dans le centre ville. Repas dans un restaurant tranquille, et retour à Thionville, avec quelques sueurs froides le temps d'être sûrs de monter dans le bon train : Comme au Danemark, ne pas tenir compte de l'affichage...
Metz, la ville ocre
Mercredi 7/9
Objectif de la journée : Pont-à-Mousson, où nous appelle notre dernière mission-facteur...
Nous continuons donc à remonter la Moselle, bien que la pente et le courant soient quasi-imperceptibles.
Arrêt prolongé à Metz, ville étonnante par la rigueur de ses bâtiments et la couleur ocre de ses pierres (la pierre de Jaumont). La cathédrale de style gothique nous parle bien plus que le baroque surchargé des églises Luthériennes allemandes. Et puis cette pierre ocre si belle, ces voûtes si hautes... Un ascenseur pour l'âme, croyant ou pas...
Pompidou sans les tuyaux
Cette ville nous plaît. Et c'est pas souvent. Alors on va rester encore un peu.
Le Centre Pompidou... Pourquoi pas.
Le bâtiment en soi n'est pas très élégant. Les architectes d'aujourd'hui ne cherchent pas à émouvoir nos sens, mais à remporter des marchés.
Tiens, à ce propos : Gens du 21ème siècle, nous avons la chance de pouvoir admirer des monuments vieux de centaines ou milliers d'années, toujours debout. Nos ancêtres construisaient pour durer. Je repense à la Porta Nigra de Trèves où à toutes ces audacieuses cathédrales gothiques. Mais nous ? Que laisserons-nous à nos descendants ? Des gravats de béton ? des tuyaux rouillés ? Un océan de plastique imputrescible ? Ère éphémère...
Mais je m'égare. Reprenons.
Nous avons pris le temps de visiter les 2 expositions temporaires qu'abritaient la maison du Grand Schtroumpf le centre Pompidou. Et ça valait la peine.
Poupées de chiffons...
Au premier étage, le musée sentimental d'Eva Aeppli. Une envoûtante collection de poupées de chiffons grandeur nature. Au début, on se dit " bof ", et plus on avance dans les salles, plus on ressent la cohérence de l'œuvre. Je suis ému par ces visages tristes et mélancoliques, qui vous regardent à hauteur d'homme, droit dans les yeux. La mort vous regarde...
Au fond de la salle, une Cène. Les 12 apôtres sont alignés. Le Christ, au centre, plus petit, avec une tête de mort. Juda se cache le visage. Fallait oser...
La nature est une erreur de calcul
Au second étage, Mimesis. Des structures créées numériquement, pour imiter les formes du vivant, à base de fractales, de suites de Fibonacci, d'impression 3D.
Je suis fasciné par ces objets mathématiques. On s'attend à des formes parfaites, prévisibles, symétriques, et ce n'est pas le cas. Comme si des erreurs s'étaient glissées dans les calculs, générant des excroissances incongrues, des boursouflures...
Ça fonctionne aussi dans l'autre sens : Il y a des objets créés à partir de composés organiques : champignons, cocons de vers à soie...
Progrès ou folie ? Fascinant, en tout cas.
Ding-Dong... Surpriiiiise !
Pont-à-Mousson, mercredi soir.
Nous avons un courrier à livrer. Les destinataires, Laurence et Jean-Luc, sont des amis d'amis (donc des amis...). Nous ne les avons pas vu depuis 10 ans. Ils ne sont pas informés de notre passage.
Je sonne. La porte s'ouvre... Pendant une seconde et demi, le temps est suspendu. Puis Laurence nous reconnait : " Jean-Luc ! Tu devineras jamais qui est là ! ".
Embrassades, retrouvailles...
- Vous dormez où ce soir ?
- Ben... On sait pas. On n'a rien prévu.
- Alors vous restez dormir. On a des voisins à dîner. On sera 6 au lieu de 4, pas de problème !
On ne s'est pas fait prier.
Nous refaisons le monde. Les sujets ne manquent pas. Jean-Luc est guitariste. Béatrice montre ses carnets d'aquarelles, nous bavardons... Soirée simple et chaleureuse.
Demain, nous continuons vers le sud, direction Vesoul. Moselle toujours, puis canal des Vosges.
Ah bon, pas souvent ? Pourtant, nous, nous nous pensons souvent à vous ... Et attendons la notification d'un nouvel article du blog avec impatience ! Rouletabille et Séraphine sauront ils vous porter jusqu'à StAignan pour les retrouvailles du 22 ?
RépondreSupprimerBises !
ColibriLN
La Lorraine est belle aujourd’hui …. Je vous assure que c’était loin d’être le cas dans mon enfance ! Comme quoi, ce n’était pas toujours “mieux avant”
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