Vague à l'âme
Dimanche 18/9
Atterrissage dans une semaine, samedi 24.
Il fallait bien choisir une date...
Atterrissage pour le corps, mais pour la tête c'est autre chose...
Pour tout dire, on n'a pas envie de rentrer.
Les chevaux sentent l'écurie, mais ils y vont à reculons...
Presque 100 jours sur une autre planète...
On est si bien dehors... Alors faisons durer encore un peu le plaisir...
On s'est donné une semaine pour faire les 250 derniers kilomètres. C'est plus qu'il n'en faut, mais on veut rester dans notre bulle le plus longtemps possible.
Nous sommes comme le dormeur qui s'éveille, flottant au milieu de ses rêves. Il sait qu'il va devoir se lever, mais veut prolonger encore ce doux et indécis moment...
Nous ne voulons pas quitter ce monde où la vie est simple, routinière, et pourtant pleine de surprises, de rencontres, de petits bonheurs... Aucune lassitude, aucune fatigue. Nous avons trouvé notre rythme et nous aurions pu continuer encore longtemps...
Tous les soucis, les temps non choisis, les petites corvées du quotidien, les obligations, les échéances... tout ce que nous avons pu tant bien que mal garder à l'écart pendant ce voyage... Tout cela nous attend derrière notre porte. Un autre petit diable, bien moins sympathique que celui des bagages...
Mais nous n'y pouvons rien changer. Il est donc inutile de s'en tracasser. La vie reprendra son cours, voilà tout... Et dans la tête, déjà le prochain voyage...
Et puis des bons moments à la maison, en famille ou entre amis, il y en aura aussi : nos agendas s'emplissent déjà !
A nous de rester positifs et ouverts. Dire oui, accueillir les bonnes occasions, ou les provoquer !
Le voyage n'est pas terminé !
Nous rentrons, mais le voyage n'est pas terminé : il nous reste un courrier à porter à Akureyri, au nord de l'Islande. C'est un prétexte suffisant pour nous renvoyer là-bas ! L'honneur du métier de facteur est en jeu !
Par contre, il n'est pas certain que nous repartions en vélo depuis chez nous. Ce qui est fait est fait. J'espère que Vincent ne nous tiendra pas rigueur de cette probable entorse !
Soirées courtes et matins frais
Revenons sur terre...
Je viens d'écrire que nous aurions pu continuer encore longtemps... Sauf que les jours raccourcissent, et que les nuits fraîchissent !
Le soir, Béatrice termine ses dessins à la lampe frontale. À 22h30, extinction des feux. La température baisse vite, nous nous enroulons bien au chaud dans nos duvets zippés jusqu'en haut. Le matin, nous attendons - souvent en vain - que le soleil réchauffe la toile avant d'abandonner la chaleur relative de notre nid douillet.
Nous nous mettons en route de plus en plus tard, et nous nous arrêtons de plus en plus tôt. Les étapes raccourcissent... Ça tombe bien, on n'est pas pressé...
Facteur humain pour l'emploi
Si vous vous rappelez bien, dans notre besace de facteur il y avait aussi des CV que nous avions pour mission de déposer en main propre dans les boulangeries choisies par Alice, jeune boulangère fraîchement diplômée, qui voulait partir travailler quelques temps au Danemark.
Aujourd'hui nous avons reçu ceci :
Bonjour Béatrice et Alain,
J'espère que tout se passe bien pour vous.
Quelques nouvelles de votre colportage : il a porté ses fruits car, après un entretien en visio, j'ai obtenu un essai à " Collective Bakery ", à Copenhague, où vous m'aviez dit que l'accueil avait été très chaleureux. Je pars mardi en bus, mon essai se déroulant le vendredi 23.
Quoi qu'il en soit, un grand merci pour tous ces détours :) !! Je vous tiendrai au courant.
Bonne journée.
Alice
Le beau métier de facteur...
Loire à vélo
Les dernières croûtes du Morvan sont avalées, c'est la descente finale vers la Loire et l'EV6.
Pas mal de monde encore. Des retraités (tiens ? comme nous...) et des promeneurs. On est dimanche. Une belle journée d'automne...
A Sully-sur-Loire, une décision à prendre : soit continuer la Loire à vélo jusqu'à Beaugency, en passant par Orléans, soit couper à travers la Sologne.
Nous couperons par la Sologne.
C'est plus court et ça nous laissera en principe plus de temps pour... ne rien faire.
Et puis ce sera tranquille : plus d'itinéraires fléchés, pas de ville à traverser, peu de circulation...
Seul inconvénient : pas de tourisme = pas de camping. Et Béatrice n'a pas envie de dormir dans la forêt avec les sangliers... On trouvera donc au dernier moment une jolie chambre d'hôte à Chaumont-sur-Tharonne. Grand jardin, soleil... On voulait du calme, c'est réussi.
Je profite de ce moment oisif pour recalculer les ultimes étapes, avec une seule idée en tête : étaler les derniers kilomètres jusqu'à samedi prochain.
Vivre dehors encore un peu, savourer jusqu'à la dernière minute...
Savane Africaine
Lundi 19/9
La Sologne est passée, nous sommes à Beaugency.
Longue sieste gourmande chez " César et Firmin ". Un chouette endroit comme on en trouve de plus en plus et c'est tant mieux ! Évitons les enseignes mondialisées et encourageons les artisans qui aiment leur métier !
Après Beaugency, nous choisissons de ne pas reprendre l'EV6. Nous allons tracer directement à travers la Beauce. Nous ne sommes pas pressés, bien au contraire, mais en diminuant le nombre de kilomètres nous raccourcissons les étapes, ce qui nous laisse davantage de temps libre avant la tombée de la nuit (et aussi pour se lever plus tard le lendemain).
Dans la plaine beauceronne (pas si plate, d'ailleurs) les moissons sont finies depuis longtemps. Même le battage du maïs est quasiment terminé, avec un bon mois d'avance...
La terre nue, couleur ocre, fait penser à une savane africaine ou un désert de l'ouest américain.
Tout est calme. Il n'y a rien. On aime ça. C'est un peu ce que nous allions chercher en Islande... Finalement on y aura quand même goûté...
Ce soir, halte à la ferme de la Grande Vove. 16 hectares de noisetiers ! Plutôt atypique dans cette région céréalière...
C'est en principe une aire de camping-car, mais on nous y accepte pour la nuit sans difficulté. Nous sommes seuls, dans la petite clairière qu'on nous a désignée. Silence total, belle nuit noire étoilée, voie lactée, chaleur dans nos duvets, bonheur...
LE Loir à vélo
Mardi 20/9
Arrêt à Selommes, village beauceron. Au centre, une épicerie-bar-tabac-jeux-à-gratter. Dans un coin, des tables en plastique. Derrière la caisse, une machine à café... Mmmmh ! Ça se présente bien...
Les retraités boivent des coups et grattent des jeux en papotant... Nous faisons nos petites courses quotidiennes et nous occupons la dernière table disponible : petit café à 1 €, et deuxième petit café offert par la patronne. Un bon souvenir de plus !
Encore quelques dizaines de kilomètres et la route descend dans la vallée du Loir. Nous arrivons à Vendôme.
Nous avons rendez-vous ce soir avec Franck, l'ami du frère de Béatrice. Petite balade dans cette jolie ville au passé prestigieux, si l'on en juge par les nombreux bâtiments et ouvrages classiques.
Retour au camping à la nuit. Nous sommes les seuls vrais campeurs, parmi les derniers camping-cars...
Au bord de la rivière, la nuit est fraîche. 22h. On s'emmitoufle dans nos duvets. Une douce torpeur nous enveloppe bientôt. Il peut faire froid dehors, peu importe...
Jeudi 22/9
Nous allons suivre le plus longtemps possible la véloroute " La vallée du Loir à vélo " (V47), moins connue et moins prestigieuse que sa quasi-homonyme, mais à nos yeux bien plus jolie. La région que nous traversons est connue pour ses habitats troglodytes et ses vins légers (Côteaux-du-Loir et Jasnières).
Étapes faciles et de plus en plus courtes, campings déserts, quand ils ne sont pas fermés, tout cela nous rend un peu nostalgiques...
On est plus que jamais en roue libre...
Il faut l'accepter : on sera bientôt chez nous.
Demain c'est fini
Vendredi 23/9
Dernière escale chez Daniel et Huguette, amis passionnés de voyage à vélo comme nous. Ils vivent sobrement dans une jolie petite maison. On a plein d'histoires à se raconter, de choses à se dire sur la société, la politique, où va le monde, et tout ça... Une manière de rester dans l'ambiance, prolonger la grande parenthèse encore un peu...
Daniel est aquarelliste. Il fait de très beaux carnets de voyage. Béatrice lui montre les siens. Échanges passionnés et conseils avisés...
Hay que joderse !
Samedi 24/9
Daniel et Huguette vont faire un petit bout de chemin avec nous, malgré la fraicheur matinale et la météo menaçante.
Avant de partir, et pour conclure les discussions politiques d'hier soir, Daniel nous passe la vidéo " Ciudadanos ", par Lucas Lemauff. Ne ratez pas ça, c'est à se tordre de rire... Je ne vous en dis pas plus.
Dernier matin, dernier départ...
Nous pédalons lentement les derniers 30 kilomètres. On est sur notre terrain de jeu. Une route que nous connaissons presque par cœur...
Voivres-lès-Le-Mans, 15 kilomètres de chez nous. Un dernier petit café à l'épicerie-bar-tabac-jeux-à-gratter du village, puis Daniel et Huguette repartent chez eux.
Peu après, nos amis Céline et Philippe viennent à notre rencontre. Grands saluts et embrassades sur la route...
Dernière côte, derniers kilomètres.
Voilà Rouillon.
Intermarché, la boulangerie, rien n'a bougé.
Séraphine et Rouletabille entrent tels quels dans le garage. Nous ne prenons pas le temps de les décharger. On verra ça plus tard dans la semaine.
Nous ouvrons la porte, c'est la déferlante : courrier à trier, placards à remplir, factures en retard, rendez-vous, infos à la radio... Nous sommes happés instantanément, brutalement, sans paliers de décompression, par le quotidien compliqué de la vie moderne, comme si nous n'étions jamais partis...
Ce qui est inquiétant, c'est cette facilité avec laquelle on s'est replongés dans l'agitation de la vie ordinaire...
Il n'y a rien de nouveau, c'était déjà comme ça avant.
Oui, mais c'était avant.
Il va falloir se surveiller ...
Dernier récap
- mardi 06 septembre - 0 km - Visite Luxembourg
- mercredi 07 septembre - 67 km - Thionville - Pont-à-Mousson
- jeudi 08 septembre - 58 km - Pont-à-Mousson - Tonnoy
- vendredi 09 septembre - 67 km - Tonnoy - Epinal
- samedi 10 septembre - 100 km - Epinal - Vesoul
- dimanche 11 septembre - 40 km - Slow up Etuz
- lundi 12 septembre - 75 km - Vesoul - Besançon
- mardi 13 septembre - 72 km - Besançon - Dôle
- mercredi 14 septembre - 10 km - Dôle - Montbard (90km en train)
- jeudi 15 septembre - 83 km - Montbard - Merry-sur-Yonne
- vendredi 16 septembre - 59 km - Merry-sur-Yonne - Guédelon
- samedi 17 septembre - 62 km - Guédelon - Gien
- dimanche 18 septembre - 70 km - Gien - Chaumont-sur-Tharonne
- lundi 19 septembre - 49 km - Chaumont-sur-Tharonne - Les Roches
- mardi 20 septembre - 42 km - Les Roches - Vendôme
- mercredi 21 septembre - 52 km - Vendôme - Ruillé-sur-Loir
- jeudi 22 septembre - 49 km - Ruillé-sur-Loir - Le Lude
- vendredi 23 septembre - 42 km - Le Lude - Mézeray
- samedi 24 septembre - 31 km - Mézeray - Rouillon
Un grand merci à vous 2 de nous avoir fait voyager avec vous, même si c'était par post interposé j'ai toujours eu l'impression d'être avec vous.
RépondreSupprimerAlain, comme je te l'ai déjà dit, le fait de lire vos aventures était un véritable moment de fraicheur et d'évasion. Si tu ne pensais pas ou peu à tes anciens collègues, eux n'ont t'on pas oublié.
Les aquarelles de Béatrice ont été un plus fort plaisant.
Gardez et cultivez cette âme de voyageurs et surtout continuez à profiter de ces moments
Je trépigne déjà de lire votre prochaine évasion
A bientôt lors d'un de vos passages sur Nantes
Jacques
Un immense merci à toi Alain, et félicitations pour ta plume. Et félicitations à Béatrice pour son pinceau !
RépondreSupprimerBienvenue chez vous, que de bons moments en votre compagnie, bon retour à la vie de sédentaires.
RépondreSupprimerDe grosses bises et on vous attend en Morbihan.
Sylvie et Gérard
Super voyage, super récits ! On se voit très bientôt dans votre nouvelle-ancienne vie ordinaire.
RépondreSupprimerFélicitations pour les coups de pédales, les coups de pinceau et, parfois, les "coups de gueule" bien sentis.
RépondreSupprimerQuelques jours avant que vous ne dormiez dans des champs de noisetiers, nous découvrions ceux de l'Italie au sud est de Turin qui ont fait la fortune de Ferrero quand à cause des pénuries occasionnées par la guerre on a eu l'idée de remplacer une partie du chocolat par de la noisette.
Ça a été un grand plaisir de vous lire et si l'occasion se présente puisque vous avez aussi des amis nantais ce serait un plaisir complémentaire d'entendre vos ressentis.
Bon vent pour les prochaines aventures!
Bienvenue à la maison !
RépondreSupprimerMais, la notion même de maison semble avoir évolué pendant ce périple. La maison semble être devenue un camp de base d'un territoire tellement vaste...
A bientôt pour vos nouvelles aventures .
Bertrand